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Annette tremblait de recommencer une pareille journée. Ses forces n’y eussent pas suffi. Mais ce qui suivit n’eut pas la terrifiante violence des heures précédentes. La souffrance humaine, quand elle atteint au faîte, il faut qu’elle redescende. On meurt, ou on s’habitue.

Sylvie avait repris possession d’elle. Elle était livide, marquée au coin des narines et des lèvres d’un trait dur, qui depuis, laissa, en s’atténuant, sa flétrissure. Mais calme, active, occupée, avec ses ouvrières, à couper et à coudre les vêtements de deuil. Elle donnait des ordres, surveillait, travaillait ; et ses mains étaient sûres et précises, comme son regard. Elle fit l’essayage de la robe d’Annette. Annette craignait de prononcer un mot qui rappelât l’enterrement. Mais Sylvie en parla, froidement. Elle ne laissait à personne le soin de s’occuper des détails. Elle régla tout. Elle conserva ce calme tendu jusqu’à la fin de la cérémonie. Seulement, avec une rage froide et concentrée, elle s’opposa à tout service religieux. Elle ne pardonnait pas !… Jusqu’alors, elle avait été vaguement incroyante, insouciante, non hostile ; et, tout en riant un peu, elle était, sans l’avouer, émue, le jour qu’elle avait vu sa belle petite fille en blanche communiante… Justement ! Elle avait été dupée… Le lâche !… Elle ne pardonna jamais.

Annette s’attendait à ce que la contrainte inhumaine que s’imposait Sylvie fût payée d’une nouvelle crise, au retour dans la maison. Mais il ne lui fut pas permis de rester auprès de sa sœur. Sylvie le lui interdit durement. La présence d’Annette lui était intolérable… Annette avait son fils !…