Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

sance, il y a toujours l’un des deux — (ce n’est pas toujours le même) — qui s’attarde sur la route, et l’autre galope en avant. Le corps de Marc restait celui d’un enfant ; et tandis que l’esprit vagabondait là-haut, un fil le tenait par la patte et le ramenait en bas, où il fait bon jouer. Alors, faute de mieux, il condescendait à jouer, — ou même, sans condescendance, il jouait de tout son cœur avec la stupide petite fille. C’étaient d’heureux entr’actes.

Ils ne duraient pas longtemps. Trop d’inégalités entre les deux enfants. Non pas seulement leur âge, ni qu’elle fût une fille. Mais leur tempérament était trop différent. Odette, pas jolie, tenant plutôt du père, avec les yeux d’Annette, une bonne figure ronde, joufflue, camusette, était une enfant robuste, bien portante, dont l’ardeur de sentiment ne troublait pas l’équilibre physique, mais semblait la dépense naturelle de l’abondance vitale. Elle avait échappé à tous les petits maux d’enfance. Marc était, au contraire, marqué par sa maladie de la première année ; et quoique, par la suite, sa bonne constitution dût reprendre le dessus, cette lutte de l’organisme, où il était souvent vaincu, lui gâta une partie de son enfance ; il restait exposé aux moindres refroidissements, fréquemment arrêté par de petits retours de bronchite ou de fièvre. Il en souffrait dans son amour-propre : car tous ses instincts étaient d’orgueil et de force.

Vers la fin de 1911, un an après le raccommodement entre les deux sœurs, Marc eut une de ces maladies d’hiver, compliquée d’influenza, qui inspira de brèves inquiétudes. Odette vint à son chevet. On le lui avait défendu, par crainte de la contagion ; mais elle avait trouvé moyen de se glisser dans la chambre, un soir que les deux mères étaient occupées dans la pièce à côté. Elle fut compatissante ; et Marc, un peu fiévreux, se livra comme il n’avait jamais fait. Il était inquiet.