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et de colère, Sylvie mordit l’oreille d’Annette. Annette se récria :

— Toi, toi, tu mords maintenant ? Si encore, c’était moi, qu’on traite de toquée ! Mais toi ! tu es enragée ?

— Oui, je le suis, dit Sylvie. Comment veux-tu que je ne te haïsse pas ? Tu me voles tout ce que j’ai, mon mari, ma fille…

Annette éclata de rire :

— Eh ! garde-le, ton mari ! Je n’y tiens pas.

— Moi non plus, fit Sylvie. Mais il est à moi. Je défends qu’on y touche.

— Mets-y un écriteau !

— C’est à toi que je le mettrais… Grand laideron ! Qu’est-ce que tu as qui les attire ? Ils t’aiment tous.

— Mais non.

— Mais si. Tous, Odette, Léopold, ce nigaud… Les autres… Tous. — Et moi aussi !… Je te déteste. On veut se défaire de toi. On ne peut pas. Pas moyen ! Tu vous tiens !…

Elles se tenaient les mains, et riaient, en se regardant, cette fois, fraternellement.

— Ma petite vieille !

— Tu ne crois pas si bien dire !

C’est vrai, elles avaient vieilli toutes deux. Toutes deux le remarquaient. Sylvie montra, en cachette, une dent fausse, qu’elle s’était fait remettre, sans que personne y eût rien vu. Et Annette avait sur les tempes une touffe de cheveux blancs. Mais elle ne la cachait pas. Sylvie l’appela :

— Poseuse !

Les voilà redevenues intimes, comme autrefois !… Et dire que, sans cette petite, on ne se serait jamais revues !…

Le soir, Annette, avec Marc, vint dîner. Odette s’était cachée ; on ne pouvait la trouver. Annette se mit à sa