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elle. Sa belle nuque blonde et ses rondes épaules… Perdues ! … Pour qui, pour quoi se réserve-t-elle ? Quelque nouvelle « Brissotise » ?… Non, il sait que le cœur d’Annette est libre… Alors ?… Elle n’est pas pourtant frigide ! Elle a besoin d’être aimée et d’aimer…

— Elle a surtout besoin de croire… Croire en ce que l’on fait, en ce que l’on veut, en ce qu’on cherche ou ce qu’on rêve, croire en ce que l’on est, malgré tous les dégoûts et les désillusions, croire en soi et en la vie !… Franck détruit l’estime. Annette supporterait plus volontiers de n’être pas estimée, que de perdre l’estime — la sienne — dans la vie. Car c’est la source d’énergie. Et sans la force d’agir, Annette ne serait rien. La passivité du bonheur, pour elle, c’est la mort. La distinction essentielle entre les êtres est en ceci : qu’ils sont, les uns actifs, les autres passifs. Et de toutes les passivités, la plus mortelle pour Annette serait celle de l’esprit, tranquillement établi, comme celui d’un Franck, dans le confort d’un doute qui ne connaît même plus le doute, mais voluptueusement se livre au cours indifférent du Rien… Un suicide !… Non ! Elle refuse… Que pense-t-elle donc que sera sa vie ? — Peut-être rien d’heureux ou de complet. Un ratage, peut-être. Mais, ratée ou non, un élan vers un but… Inconnu ? Illusoire ? Peut-être. N’importe ! L’élan n’est pas illusoire. Et que je tombe en chemin, pourvu que je tombe sur mon chemin !…

Elle s’aperçoit du long silence, et que Franck n’est plus là. Elle se retourne, le voit, sourit, se lève et dit :

— Pardon, mon ami ! Restons comme nous sommes ! On est si bien, amis !

— Et pas mieux, autrement ?

Elle secoue la tête : ( « Non ! » ).

— Allons ! fait-il, me voilà blackboulé au troisième examen !