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ne croira plus en moi. Et que sais-je si cette foi apprise ne gênera pas plus tard son vrai développement ?…

Ici, Julien s’assombrissait ; et Annette se hâtait de changer de sujet. Comment agir, pourtant ? Elle n’allait pas, comme le lui conseillaient des amis protestants, faire à son fils un cours de toutes les religions et le laisser choisir quand il aurait seize ans !… Annette éclatait de rire. Quelle étrange conception de la religion, comme d’une matière d’examen !…

En fin de compte, Annette n’avait rien fait. Elle se promenait avec Marc, entrait dans les églises, s’asseyait dans un coin, admirant avec lui la forêt jaillissante de ces hauts troncs de pierre, les lueurs de sous-bois qui filtraient des verrières, goûtant l’envol des voûtes, la lointaine psalmodie, les nappes blanches de l’orgue. C’était un bain de rêve et de recueillement…

Marc ne détestait pas d’être ainsi, la main dans la main de sa mère, écoutant, chuchotant. C’était doux, c’était chaud, assez voluptueux… Oui, mais à condition que ça ne durât pas trop longtemps ! Cette somnolence sentimentale l’ennuyait. Il avait besoin de remuer et de penser des choses précises. Sa petite tête travaillait, observait, remarquait, cette foule qui prie, sa mère qui ne priait pas. Et, sans les exprimer, il faisait ses réflexions. Il questionnait rarement, beaucoup moins que la plupart des enfants : car il avait un fort amour-propre et craignait de dire des naïvetés.

Il demanda pourtant :

— Maman, qu’est-ce que c’est que Dieu ?

Elle répondit :

— Mon chéri, je ne sais pas.

— Qu’est-ce que tu sais, alors ?

Elle sourit, et le pressa contre elle :

— Je sais que je t’aime.

Oui, cela, c’était banal. Il le savait. Mais ce n’était pas la peine de venir à l’église, pour cela !…