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mur, devant lequel le moi épouvanté se cabre. La mort. Le mur se dressait de tous les côtés. La maladie le côtoyait, comme un chemin de ceinture. On eût cherché vainement un passage au travers. Le mur était massif et n’avait pas une brèche. Personne n’avait eu besoin de dire à Marc que le mur était là. Tout de suite, dans l’ombre, il avait renâclé, comme un cheval, le crin hérissé. Il n’en parlait à personne. Personne ne lui en parlait. Tout le monde était d’accord.

Annette, comme les jeunes femmes d’aujourd’hui, était une mauvaise pédagogue, qui, lorsqu’elle était fille, avait beaucoup entendu parler de pédagogie, en parlait volontiers, avec componction, attachait à la façon d’élever les enfants beaucoup plus d’importance que les mères d’autrefois qui y allaient à l’aveuglette ; — mais, l’enfant venu, elle se trouvait démunie devant les mille et une surprises de la vie, incapable de prendre parti, faisant des théories qu’elle n’appliquait pas, ou qu’elle abandonnait dès les premiers essais ; — et finalement, elle laissait tout aller, s’en remettant à l’instinct.

Le problème religieux était de ceux qui l’avaient préoccupée, sans qu’elle fût arrivée à une solution pratique pour l’enfant. Ses amies de jeunesse, dans la bourgeoisie riche et républicaine, étaient, pour la plupart, élevées avec religion par leur mère, sans religion par leur père ; et elles ne sentaient même pas le heurt des deux conceptions :. — (les deux s’accordent dans le monde, comme bien d’autres contradictoires, car aucun sentiment n’y a la troisième dimension). — Elle-même était allée à l’église, comme au lycée ; elle avait pris sa première communion, comme son bachot, consciencieusement, sans émotion. Les cérémonies où elle assistait dans sa riche paroisse lui semblaient d’ordre mondain. Elle s’était dégagée d’elles, en se dégageant du monde.

La société moderne — (et l’Église en est un des piliers) — a si bien réussi à dénaturer en les affadissant les