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Il n’était pourtant pas un rusé comédien, qui s’amuse. Il avait plus d’une nature, ainsi que le grand-père. Bien peu avaient pu voir celle qui se cachait sous le masque moqueur du vieux Rivière. Le drame que recouvrent parfois le cynisme bouffon et l’appétit jouisseur de certains conquérants. Raoul avait eu ses sombres abîmes, qu’il ne montrait pas. Il y en a plus souvent qu’on ne croit sous le rire gaulois. On les garde pour soi. Annette, qui avait les siens, n’en avait jamais livré le secret à son père ; et elle n’avait pas plus connu ceux de son père qu’elle ne connaîtrait ceux de son fils. Chacun restait muré dans sa vie intérieure. Une étrange pudeur. On rougirait moins d’étaler ses vices et ses appétits — (Raoul en faisait parade) — que le tragique de l’âme.

Marc en avait sa part. Un enfant qui vit seul, sans frère et sans compagnon, a du temps pour errer dans ces caves de la vie. Elles étaient bien profondes et bien vastes, les caves des Rivière. La mère et l’enfant auraient pu s’y rencontrer. Mais ils ne se voyaient pas ; ils passèrent l’un près de l’autre, plus d’une fois, en se croyant très loin. Tous deux, les yeux bandés, Annette par le démon de passion qui toujours la tenait, l’enfant par l’égoïsme naturel à son âge : tous deux dans les ténèbres. Mais Marc n’était encore qu’à l’entrée du caveau et il ne cherchait pas l’issue, en se heurtant aux murs, comme Annette ; il demeurait blotti sur une des premières marches, et il rêvait l’avenir. Incapable de se l’expliquer, il se fabriquait la vie.

Il n’avait pas eu loin à aller pour trouver le redoutable