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sait bénéficier Annette d’une certaine latitude de payement. À présent, il fallait calculer toutes les dépenses payées comptant. Les débuts seraient rudes. Déménagement, arrhes, frais d’installation. Et la grosse question : la surveillance de l’enfant. Question contradictoire : car il faut gagner pour l’enfant ; pour gagner, il faut sortir de chez soi ; et qui veillera sur l’enfant ? Annette se rendait compte qu’elle ne serait jamais venue à bout de telles difficultés, si elles s’étaient posées plus tôt, quand Marc était tout petit. Comment faisaient les autres femmes ? Annette plaignait les malheureuses, et elle était humiliée.

Mettre l’enfant en pension ? Il était maintenant d’âge à aller au lycée. Mais elle se refusait à l’enfermer dans ces ménageries. Ce qu’elle avait entendu dire des collèges anciens — (les choses se sont un peu améliorées, depuis) — ce que son instinct flairait de cette promiscuité physique et morale, lui faisait regarder comme un crime d’y jeter son enfant. Elle voulait croire que le petit en eût souffert… Qui sait ? Peut-être qu’il en eût été bien aise, pour lui échapper, à elle ! Mais quelle mère peut imaginer qu’elle pèse à son enfant ?… Elle ne consentit même pas à le mettre en demi-pension. Elle se donnait pour raison la santé délicate de Marc : il avait besoin d’une nourriture spéciale ; elle devait surveiller ses repas. Mais pour être de retour à l’heure des repas, quand ses leçons l’obligeaient quelquefois à courir à l’autre bout de Paris, c’étaient de grosses fatigues. Aller, venir, toujours en mouvement. Et les leçons ne suffisaient pas. Il se présentait toujours quelque dépense urgente, sur quoi l’on ne comptait pas. Le petit grandissait beaucoup ; et Annette regrettait qu’il ne fût pas comme les petits haricots, qui ne s’allongent jamais plus vite que leur pelure. Il fallait le vêtir. Annette ne pouvait non plus se permettre de négliger sa toilette : à défaut de sa fierté, son métier l’eût obligée. Elle devait donc trouver des ressources