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Leur amour n’était resté un secret pour aucun de ceux qui les entouraient. Léopold l’avait remarqué, avec une irritation qu’il n’avait pu dissimuler à Sylvie. Le souvenir pénible qu’il gardait de sa peu reluisante aventure avait laissé en lui un ressentiment involontaire, qui ne devint pas moins vif, quelques mois après : au contraire ! Car il pouvait feindre avec lui qu’il en avait oublié les motifs. Sylvie, déjà en éveil, fut frappée de ses allures bizarres : elle l’observa, et elle ne douta plus : il était jaloux. Selon la logique admirable du cœur, ce fut contre Annette qu’elle en eut : elle la prit en grippe. Son état de santé expliquait, dans une certaine mesure, ces réactions excessives. Mais le malheur est que leur retentissement se prolonge au delà de l’état qui les a causées.

Sylvie accoucha, en octobre, d’une petite fille. Joie pour tous. Annette se montra aussi passionnée pour l’enfant que s’il était le sien. Sylvie n’avait aucun plaisir à le lui voir dans les mains ; et son hostilité, jusque-là comprimée, n’essaya plus de se voiler. Annette qui, depuis quelques semaines, avait eu de sa sœur des mots blessants, mais qui les attribuait au malaise passager, n’eut plus moyen de douter de la désaffection de Sylvie. Elle se tut, évitant toute occasion de la contrarier. Elle espérait un retour de l’ancienne tendresse.

Sylvie se rétablit. Les rapports entre les deux sœurs restaient apparemment les mêmes ; et un indifférent n’y eût rien trouvé de changé. Mais Annette distinguait en Sylvie une froideur hostile, qui lui faisait mal. Elle eût voulu lui prendre les mains, lui demander :