Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Vous jouez ?

— Ah ! ce n’est pas commode ! dit Annette en riant, il ne me le permet pas !

Julien demandait, surpris, vaguement inquiet, qui pouvait bien l’empêcher. Annette, l’oreille aux aguets, écoutait de petits pieds qui tapaient en montant les marches de l’escalier. Elle courut leur ouvrir :

— Tenez, le voilà, le monstre !

Elle ramena Marc, qui revenait de chez sa tante. Julien ne comprenait toujours pas.

— Mon petit garçon… Marc, veux-tu dire bonjour !

Julien fut atterré. Annette ne songeait même pas qu’il pût s’en étonner. Elle continua gaiement, en retenant Marc, qui voulait s’échapper :

— Vous voyez, je n’ai tout de même pas perdu mon temps.

Julien n’eut pas l’esprit de répondre ; son attention était occupée à déguiser son trouble. Il esquissa un sourire assez niais. Marc avait réussi à glisser des mains de sa mère, sans avoir dit bonjour, — (il trouvait ridicule cette cérémonie, et il l’esquivait, laissant sa mère parler, « parler pour ne rien dire », sachant bien que, l’instant d’après, elle aurait oublié, pour parler d’autre chose… « les femmes n’ont aucune suite… » ) — À quatre pas de Julien, dans les plis d’un rideau, dont il tortillait l’embrasse, Marc dévisageait l’étranger, avec des yeux sévères ; et il avait très vite, à sa façon d’enfant, (qui n’était pas si fausse), jugé la situation. Décision sans appel : il n’aimait pas Julien. L’affaire était tranchée.

Julien, dont ce regard d’enfant accroissait l’embarras, essayait de reprendre le fil de l’entretien, tout en suivant le fil de ses propres pensées. Mais il ne parvenait ainsi qu’à les embrouiller ensemble. Il se rassurait pourtant. Faiblement. L’assurance d’Annette ne lui permettait pas de douter qu’elle ne fût mariée : c’était hors de question. Mais le mari, où était-il ? Vivant ou mort ? Annette