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La chambre de Sylvie l’attendait depuis longtemps. Même avant de connaître l’existence de Sylvie, Annette tenait la cage prête pour l’amie qui viendrait. — L’amie n’était pas venue ; à peine avait-on cru voir son ombre, deux ou trois fois. La personnalité d’Annette assez à part dés autres, ses manières, tour à tout froides et ardentes, l’impétueuse brusquerie d’élans qui surprenaient dans une nature réservée, je ne sais quoi d’étrange, d’exigeant, d’impérieux qui, sans qu’elle s’en doutât, couvait et jetait des lueurs, même aux heures où elle était pénétrée du désir de se donner avec une humilité passionnée, — écartaient les jeunes filles de son âge, qui sans doute l’estimaient et subissaient (dirait-on) son fluide, mais prudemment, à distance. Sylvie était la première à prendre possession de la cage d’amitié. On peut croire que ce fut sans trouble, et qu’elle n’était pas en peine d’en sortir, le jour qu’il lui plairait. Annette ne l’intimidait guère. Elle n’eut même aucune surprise de la chambre où elle fut installée.