Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ANNETTE ET SYLVIE 85

obscurité de la chambre, de nouveau elle fut prise d’une colère passionnée. Elle alla à Sylvie, qui se jeta à son cou ; elle lui serra les épaules moites, de ses mains impatientes ; et, sans répondre à ses baisers, elle dit, d’une voix irritée :

— Je t’emmène… Habille-toi… Et ne discute pas !

Sylvie discutait tout de même, pour n’en pas perdre l’habitude. Elle faisait mine de protester. Mais elle se laissait faire. Annette l’habillait impérieusement, lui mettait ses bottines, lui boutonnait sa blouse, lui piquait avec brusquerie son chapeau sur la tête, la remuait comme un paquet. Sylvie disait toujours : « Non, non, non », poussait de petits cris indignés, pour la forme ; mais elle était ravie de se sentir brutalisée. Et quand Annette eut fini, elle lui prit les deux mains, les baisa, y imprima la marque de ses quenottes, et, riant de contentement, elle dit :

— Madame Tempête… Rien à faire ! Je me soumets… Emporte !…

Annette l’emporta. Elle lui avait pris le bras dans ses fortes mains, qui tenaient comme un étau. Elles montèrent en taxi. — Quand elles furent arrivées, Sylvie dit à Annette :

— Je puis te le dire maintenant : eh bien, j’en mourais d’envie.