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80 L’AME ENCHANTÉE

la laissa pas parler, le torrent était lâché).

— … J’avais confiance en toi, je croyais que tu me dirais tes peines, tes ennuis, comme je te dis les miens, que tout serait en commun… Et tu me tiens à l’écart, ainsi qu’une étrangère ; je ne sais rien, je ne sais rien ! Sans un hasard, je n’aurais jamais appris que tu te trouves gênée, que tu cours après une place, que tu ruines ta santé ; et tu accepterais n’importe quel travail, plutôt que de m’en parler, quand tu sais que mon bonheur serait de t’aider… C’est mal, c’est mal ! Tu m’as blessée. C’est un manque de franchise, c’est un manque d’amitié !… Mais je ne le tolérerai plus !… Non !… Pour commencer, tu vas venir chez moi, et tu y resteras, jusqu’à ce que la période de chômage soit passée…

(Sylvie secouait la tête).

— … Tu viendras, ne dis pas non ! Écoute-moi bien, Sylvie, je ne te le pardonnerais pas. Si tu me disais non, je ne te verrais plus, de ma vie…

Sans se donner la peine de s’excuser, d’expliquer, Sylvie, souriante et entêtée, faisait :

— Non, non, chérie.

Elle avait grand plaisir de l’agitation d’Annette, qui ne se possédait plus, qui était près de pleurer, qui l’aurait bien battue. Elle pensait :