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ANNETTE ET SYLVIE

pour l’embrasser. Elle brûlait de la retenir ; mais la petite, qui n’avait, jurait-elle, que cinq minutes à rester, repartit en courant, après une heure de caquetage, tout d’un trait, sans souffler.

Annette eût voulu faire profiter sa sœur de sa maison, de son bien-être. Mais Sylvie avait une façon brusque d’écarter toutes les tentatives : elle avait mis dans sa tête — sa petite tête butée — qu’elle n’accepterait aucune avance d’argent. Elle ne faisait, en revanche, aucune difficulté pour accepter un objet de toilette, ou bien pour « l’emprunter » : (ce qu’elle empruntait, elle oubliait de le rendre). Il lui arriva même, une ou deux fois, de chiper… oh ! rien d’important !… Et, bien entendu, elle n’eût jamais touché à une pièce de monnaie ! L’argent, ça c’est sacré ! Mais un petit bibelot, un bijou sans valeur… Elle n’y résistait pas. Annette avait remarqué ce jeu de petite gazza ladra ; et elle en était gênée. Pourquoi Sylvie ne lui demandait-elle pas ? Elle eût été si heureuse de lui donner ! Elle tâchait de ne pas voir. — Mais le grand plaisir était d’échanger entre les deux sœurs une blouse, un cache-corset, le linge de leur corps : la passion d’Annette s’en alimentait. Sylvie était experte dans l’art de s’ajuster les robes de sa sœur ; et son goût modifiait le goût plus sérieux d’Annette.