Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

68 L’AME ENCHANTÉE

toutes deux, et elles le jugeaient d’un sourire indulgent, ironique, comme un grand gosse amusant, séduisant, pas sérieux, pas très sage…

— (Tous les hommes sont de même !) — On ne lui en voulait pas…

— Dis, Annette, s’il avait été sage, je ne serais pas ici…

Annette lui pressait la main.

— Aïe ! ne serre pas si fort !

Sylvie parla ensuite de la boutique de fleuriste, où elle avait, enfant, assise sous le comptoir, avec les fleurs tombées, tressé ses premiers rêves, — ses premières expériences de la vie de Paris, en écoutant causer sa mère et les clients, — puis, quand mourut Delphine, — (Sylvie avait treize ans), — son apprentissage chez une couturière, qui était l’amie de la mère, et l’avait recueillie, — puis, après une année et la mort de la patronne, usée par le travail, (on s’use vite, à Paris !) ses divers avatars. Des notations crues, des expériences amères, toujours contées gaiement, vues avec drôlerie. Elle peignait au passage les types et les caractères, piquant d’un coup d’aiguille, sur la trame du récit, un trait, une saillie, un mot ou un museau. Elle ne contait pas tout ; elle avait un peu plus expérimenté la vie qu’elle ne disait et que peut-être il ne lui plaisait de s’en souvenir. Elle se rattrapait sur le chapitre de l’ami, — de l’ami dernier. (S’il y