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ANNETTE ET SYLVIE 57

qui te mens !… » Mais plus elle était jalouse de Sylvie, plus elle l’aimait. Et plus elle lui en voulait, plus elle l’aimait. On n’en veut tant qu’à ceux qu’on aime !…

Le charme de la petite sœur, tranquillement, opérait. Inutile de s’irriter, de vouloir qu’elle fût différente ; elle était ce qu’elle était. Annette se sentait peu à peu travaillée par un autre sentiment : la curiosité. Malgré elle, son esprit tâchait de se figurer comment vivait Sylvie. Elle y pensait beaucoup trop. Il lui arriva de se mettre à sa place. Elle fut assez confuse de constater qu’elle ne s’y trouvait pas trop mal. Le dépit, la révolte indignée qu’elle en eut contre elle-même, la rendit plus sévère pour Sylvie. Elle continua de bouder, et s’interdit de retourner chez sa sœur.


Sylvie ne s’en troublait point. Qu’Annette ne lui donnât plus signe de vie, ne l’inquiétait aucunement. Elle avait jugé la grande sœur, elle savait qu’Annette reviendrait. L’attente ne lui pesait pas. Elle avait de quoi occuper son cœur. Son ami, d’abord, — qui n’en habitait pourtant qu’un coin, et pas pour très longtemps. Et tant d’autres objets ! Elle aimait bien Annette. Mais enfin, elle avait vécu près de vingt ans sans elle ! Elle pouvait attendre encore quelques semaines… Elle devinait ce qui se