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— Méchante !

— Pourquoi ? demanda Sylvie, baisant du coin de sa bouche les blonds sourcils d’Annette.

Annette ne répondit pas. Sylvie savait la réponse. Elle sourit, épiant malignement Annette qui, maintenant, évitait son regard. Cette violente fille ! Sa fougue était brisée. Une timidité subite s’était abattue sur elle, comme un filet. Elles restèrent sans bouger, la grande sœur appuyée sur l’épaule de la petite, satisfaite d’avoir si promptement établi son pouvoir…

Puis, Annette releva la tête ; et, maîtresses toutes deux de leur premier émoi, comme de vieilles amies, elles commencèrent à causer.

Elles n’avaient plus, cette fois, d’intentions hostiles. Elles étaient, au contraire, désireuses de se livrer… Oh ! pas complètement, pourtant ! Elles savaient qu’il est en chacun des choses qu’il ne faut pas montrer. Même quand on aime ? Justement, quand on aime ! Mais lesquelles, exactement ? Chacune, tout en se confiant, conservant ses secrets, tâtait les limites de ce que l’amour de l’autre pourrait supporter. Et plus d’une confidence qui commençait bien franche, oscillait incertaine, au milieu de la phrase, et coulait gentiment en un petit mensonge, Elles ne se connaissaient pas ; elles étaient, l’une pour l’autre, par beaucoup de