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chambre. Sylvie s’assiérait ici, à la place favorite, devant la fenêtre ouverte. Annette voyait par ses yeux, se réjouissait de lui montrer sa maison, ses bibelots, ses arbres revêtus de leur plus tendre verdure, et l’échappée là-bas, sur les coteaux fleuris. D’en partager avec elle la grâce elle confort, elle en jouissait avec une fraîcheur de sensations toutes neuves. — Mais voici qu’elle pensa que les yeux de Sylvie feraient la comparaison entre son propre logement et la maison de Boulogne. Une ombre tomba sur sa joie. Cette inégalité lui pesa, comme si elle était à son tort… N’avait-elle pas les moyens de la réparer, précisément en conviant Sylvie à profiter des avantages que le sort lui avait faits ?… Oui, mais ce serait s’attribuer sur elle un avantage de plus. Annette pressentait qu’on ne le lui consentirait pas sans résistance. Elle se souvenait du silence railleur, dont Sylvie avait accueilli ses premières invites. Il fallait ménager sa susceptibilité. Comment faire ?… Annette essaya quatre ou cinq plans, dans sa tête. Aucun ne la satisfit. Elle changea dix fois l’arrangement de la chambre ; après y avoir disposé, avec un plaisir d’enfant, les objets de plus de prix, elle les remporta, et elle ne laissa que ce qu’elle avait de plus simple. Il n’y eut pas un détail — une fleur sur l’étagère, la place d’un portrait, — qu’elle ne discutât… Pourvu