Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riante. Plus tard, quand elles s’aimèrent, elles se donnèrent bien du mal pour oublier ce qu’elles avaient lu. Pour l’instant, leur animosité le regardait par un verre grossissant. Il y avait des secondes où elles se haïssaient, Annette, le cœur gros, pensait :

— Ce n’est pas bien, ce n’est pas bien ! Je dois donner l’exemple.

Ses yeux faisaient le tour de la modeste chambre, regardaient la fenêtre, les rideaux de guipure, dans une lueur de lune le toit et les cheminées de la maison d’en face, la branche de lilas dans le pot à eau ébréché.

L’air froide, d’autant plus qu’elle brûlait au fond, elle offrit à Sylvie son amitié, son aide… Sylvie, négligemment, — un mauvais petit sourire, — écouta, laissa tomber… Annette, mortifiée, cachant mal son dépit d’orgueil et de passion naissante, se leva avec brusquerie. Elles échangèrent un adieu aimablement banal. Et, tristesse et colère au cœur, Annette sortit.

Mais comme elle était au bout du couloir carrelé et descendait déjà la première marche de l’escalier, Sylvie courut à elle, dans ses petites babouches, dont l’une resta en route, et, par derrière, lui passa les bras autour du cou. Annette se retourna, en criant d’émotion. Elle étreignit Sylvie, d’un élan passionné. Sylvie cria aussi, mais de rire, pour la violence