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et gonflés ; l’œil exercé de Sylvie les palpa sous l’étoffe, et s’arrêta surtout sur les belles épaules, dont la pleine harmonie formait avec le cou, blonde et ronde colonne, le plus parfait du corps. Elle savait s’habiller, était mise avec soin, presque trop pour Sylvie, un soin trop observé : les cheveux bien tirés, pas une boucle folle, pas une agrafe en faute, tout en ordre. — Et Sylvie se demandait : « Et dedans, est-ce de même ? »

Annette voyait Sylvie presque aussi grande qu’elle — (aussi grande, oui, peut-être) — mais mince, fine de taille, tête petite pour le corps, demi-nue sous le peignoir, peu de gorge, grassouillette pourtant, les bras dodus, assise, se balançant sur son petit croupion et les deux mains croisées sur ses deux genoux ronds. Ronds, elle avait aussi le front et le menton ; le nez petit, retroussé ; les cheveux d’un brun-clair, très fins et plantés bas sur les tempes, des boucles sur les joues, et de petits cheveux fous sur la nuque et le cou, blanc, très blanc, et gracile. Une plante qui vit en chambre. Les deux profils du visage étaient asymétriques : celui de droite, langoureux, sentimental chat qui dort ; celui de gauche, malicieux, aux aguets, chat qui mord. La lèvre supérieure se retroussait en parlant, sur les canines rieuses.

— Et Annette pensait : « Gare à qui elle croque ! »