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274 L’AME ENCHANTEE

— Roger, il faut rentrer…

Leurs corps se déprirent. Agenouillé devant le lit, il appuya son front sur les pieds nus d’Annette. Il voulait lui prouver :

— Je suis à toi.

Mais il ne parvenait pas à chasser son arrière-pensée.

Il sortit de la chambre, laissant Annette se rhabiller. En l’attendant, il s’accouda sur un mur de la petite cour d’entrée, écoutant vaguement les bruits de la campagne et goûtant l’heure passée. Les idées importunes s’étaient éclipsées. Il jouissait du bonheur de l’orgueil et des sens apaisés. Il était fier de lui. Il pensa :

— Pauvre Annette !

Il se reprit :

— Chère Annette !…

Elle sortait de la maison. Aussi calme, toujours. Mais très pâle… Qui peut dire tout ce qui s’était passé, pendant les courts instants qu’il l’avait laissée seule, les assauts de la passion, la douleur, le renoncement ?… Roger n’en vit rien, il était occupé de lui. Il alla à elle, et voulut recommencer ses protestations. Elle mit un doigt sur sa bouche : Silence !… À la haie qui ceignait le jardin, elle cueillit un rameau d’aubépine, elle le cassa en deux, et lui en donna la moitié. Et, sortant avec lui de la propriété, sur le seuil, elle posa sa bouche sur celle de Roger.