Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
ANNETTE ET SYLVIE

vraie, serait une morale d’harmonie. Mais la société humaine n’a jamais connu jusqu’à présent qu’une morale d’oppression et de renoncement, — tempérée par le mensonge. Annette ne pouvait mentir…

Que faire ?… Sortir de l’équivoque, au plus vite, à tout prix ! Puisqu’elle s’était convaincue qu’il lui serait impossible de vivre dans cette union, rompre dès le lendemain !…

Rompre !… Elle se représenta la stupeur de la famille, l’esclandre… Ceci n’était rien… Mais le chagrin de Roger… Aussitôt, s’évoqua dans la nuit l’image de la figure chérie… À cette vision, un ressac de passion de nouveau emporta tout… Annette, brûlante et glacée, immobile dans son lit, sur le dos, les yeux ouverts, comprimait les battements de son cœur…

— Roger, implorait-elle, mon Roger, pardonne-moi !… Ah ! si je pouvais t’éviter cette peine !… Je ne peux pas, je ne peux pas !…

Alors, elle était baignée d’un tel flot d’amour et de remords qu’elle eût été près de courir se jeter au pied du lit de Roger, de lui baiser les mains, de lui dire :

— Je ferai tout ce que tu veux…

Quoi ! elle l’aimait encore ?… Elle se révolta…

— Non, non ! je ne l’aime plus !…