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deux tempéraments. Sa vraie nature restait encore inconnue. Des autres, comme d’elle-même. Nul n’avait le soupçon de son univers caché. Telle une Ève au jardin, à demi endormie. Des désirs qui étaient en elle, elle n’avait pas eu à prendre conscience. Rien ne les avait éveillés, car rien ne les avait heurtés. Il semblait qu’elle n’eût qu’à étendre le bras pour les cueillir. Elle n’essayait point, assoupie à leur bourdonnement heureux. Peut-être ne voulait-elle pas essayer… Qui sait jusqu’à quel point on tâche à se duper ? On évite de voir en soi ce qui inquiète… Elle préférait ignorer cette mer intérieure. L’Annette qu’on connaissait, l’Annette qui se connaissait, était une petite personne très calme, raisonnable, ordonnée, maîtresse d’elle-même, qui avait sa volonté et son libre jugement, mais qui n’avait eu, jusqu’ici, nulle occasion d’en user contre les règles établies du monde ou du foyer.

Sans nullement négliger les devoirs de la vie mondaine, et sans être blasée sur ses plaisirs, qu’elle goûtait de fort bon appétit, elle avait senti le besoin d’une activité plus sérieuse. Elle tint à faire des études assez complètes, à suivre les cours de la Faculté, à passer des examens, une double licence. D’intelligence vive, qui voulait s’occuper, elle aimait les recherches précises, particulièrement les sciences, où elle