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244 L’AME ENCHANTEE

dites : « Laisse là ton monde ! Jette-le, et entre dans le mien ! » — Je suis prête à venir, Roger, mais à venir tout entière. M’acceptez-vous tout entière ?

— Je veux tout, fit-il : c’est vous qui, tout à l’heure, disiez que vous ne pouvez me donner tout.

— Vous ne me comprenez pas. Je dis : « M’acceptez-vous libre ? Et m’acceptez-vous toute ? »

— Libre ? répondit Roger, circonspect. Tout le monde est libre en France, depuis 89…

(Annette souriait : « Le bon billet !… »)

— … Mais enfin, il faut s’entendre. Il est bien évident que, du moment que vous vous mariez, vous n’êtes plus tout à fait libre. Vous contractez, de ce, des obligations.

— Je n’aime pas beaucoup ce mot, dit Annette ; mais la chose ne me fait pas peur. Je prendrais joyeusement, librement, ma part des peines et des travaux de celui que j’aime, des devoirs de la vie commune. Et plus ils seraient durs, plus ils me seraient chers, avec l’aide de l’amour. Mais je ne renonce pas pour cela aux devoirs de ma vie propre.

— Et quels autres devoirs ? D’après ce que vous m’avez dit et ce que je crois savoir, votre vie, ma chère Annette, votre vie jusqu’à présent, si calme, si modeste, ne paraît pas avoir