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ANNETTE ET SYLVIE 235

— Je vous aime. Cela me suffit.

— Je vous aime aussi. Et cela ne me suffit pas.

— Cela ne vous suffit pas ? dit-il, d’un ton consterné.

— Non. J’ai besoin de voir.

— Qu’est-ce que vous voulez voir ?

— Je voudrais voir comment vous m’aimez.

— Je vous aime plus que tout.

— Naturellement ! Vous ne pouvez pas moins. Mais je ne vous demande pas combien je vous demande comment vous m’aimez… Oui, je sais que vous me voulez ; mais qu’est-ce que vous voulez en faire, au juste, de votre Annette ?

— La moitié de moi-même.

— Voilà bien !… C’est que, voyez-vous, mon ami, je ne suis pas une moitié. Je suis une Annette tout entière.

— C’est une façon de parler. Je veux dire que vous êtes moi, et que je suis vous.

— Non, non, ne soyez pas moi ! Roger, laissez-moi l’être !

— En unissant nos vies, n’en ferons-nous pas la même ?

— C’est cela qui m’inquiète. J’ai peur de ne pas pouvoir être tout à fait la même.

— Qu’est-ce qui vous trouble, Annette ? Qu’est-ce que ces idées ? Vous m’aimez, n’est-