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leur amour-propre, il ne faisait jamais tort à leur intérêt ; elles surent, d’un tacite accord, s’effacer, parler moins, tamiser leur pensée, ménager aux amoureux de fréquents tête-à-tête, qui n’étaient pas troublés, La cause de Roger ne pouvait être mieux défendue que par lui. De plus en plus épris, inquiet de la réserve d’Annette, qui l’eût moins frappé si sa mère et sa sœur ne la lui eussent fait remarquer, Roger n’avait jamais été plus attrayant que depuis que sa confiance en soi était atteinte. Il ne discourait plus : son éloquence était tombée. Pour la première fois de sa vie, il s’efforçait à lire dans l’âme d’un autre. Assis auprès d’Annette, ses yeux humbles et ardents dévoraient, imploraient la petite énigme, tâchaient de la deviner. Annette jouissait de ce trouble, de cette timidité si nouvelle chez lui, de l’attente craintive qui guettait chacun de ses mouvements. Elle était ébranlée. À des moments, elle était près de se pencher vers lui, de dire les paroles décisives. — Et cependant, elle ne les disait pas. À la dernière seconde, elle se rejetait en arrière, d’instinct, sans savoir pourquoi ; elle écartait brusquement la déclaration que Roger allait faire, et ses propres aveux. Elle échappait…

Alors, le piège se resserra. D’un, des salons voisins, Madame et Mademoiselle Brissot cou-