Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ANNETTE ET SYLVIE 191

heureux et glorieux, redoubler son ramage, comme un oiseau de printemps.

Il savourait l’hommage, il le buvait tout pur, sans une goutte d’ironie ; il en voulait encore, il n’était jamais las. Et, s’enivrant de son chant, il ne le distinguait plus de celle qui l’admirait. Elle lui parut l’incarnation de tout ce qu’il y avait de beau, de pur, de génial en lui. Il l’adora.

Elle, en qui dès les premiers regards l’amour s’était glissé, — quand elle se sentit baignée de cette adoration, elle n’opposa plus la moindre résistance. Même la tendre ironie dont elle protégeait, comme d’un gorgerin, les battements de son cœur, tomba ; et elle offrit son sein nu à l’amour. Elle avait une telle soif de tendresse ! Quelle douceur de la désaltérer (elle en jouissait d’avance) aux lèvres de cet être qui la séduisait ! Qu’il les lui présentât, devançant son désir, d’un élan si ardent, la pénétrait d’une reconnaissance passionnée…

Le feu avait bien pris. Chacun brûlait du désir de l’autre, et l’alimentait du sien. Et plus l’un s’exaltait, plus il attendait de l’autre ; et plus l’autre s’efforçait de surpasser son attente. C’était très fatigant. Mais ils avaient à dépenser une force immense de jeunesse. Pour l’instant, celle d’Annette était réduite à un rôle passif. On ne lui en laissait pas d’autre.