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lui attirèrent les sympathies enthousiastes des jeunes femmes Dreyfusistes et de beaucoup de ses cadets. Les Brissot, toujours désireux de ne pas se laisser distancer sur la route du Progrès, mais très préoccupés de ne jamais faire un pas de trop, ni trop tôt, en avant, — après avoir prudemment prospecté le terrain, aiguillèrent leur fils, leur jeune gloire, sur la voie du socialisme bien-pensant. Roger, le nez sur la piste, de lui-même s’y rendait. Comme les meilleurs de la jeunesse de son temps, il était sous la fascination de Jaurès, et s’efforçait de modeler son action oratoire sur la parole splendide du grand rhéteur, pleine de visions prophétiques et de mirages illusoires. Il proclama le devoir du rapprochement entre le peuple et les intellectuels. Ce lui fut un thème de discours fort éloquents. Si le peuple — qui manquait de loisirs — n’en connut pas grand’chose, ils émurent les loisirs de la jeune bourgeoisie. Avec les souscriptions et l’aide personnelle d’un petit groupe d’amis, Roger fonda un cercle d’études, un journal, un parti. Il y dépensa beaucoup de temps et un peu d’argent. Les Brissot, qui savaient compter, savaient aussi dépenser à propos. Il leur plaisait de voir leur fils devenir le leader de la nouvelle génération. Ils préparaient le terrain pour les prochaines élections. Roger avait sa place