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ANNETTE ET SYLVIE 165

sionné ; elle eût réchauffé de son sang impétueux les idées les plus abstraites… Son « âme ! »… Ce mot « protestant » ! (C’était elle qui parlait… — Elle l’employait souvent !…) Est-ce que la fille de Raoul Rivière n’en avait qu’une seule, âme ? Elle en avait un troupeau, et, dans le tas, trois ou quatre de belle taille, qui ne s’entendaient pas toujours ensemble…

Toutefois, ce combat intérieur se livrait dans une sphère imprécise. Annette n’avait pas encore eu l’occasion de mettre à l’épreuve ces passions contraires. Leur opposition restait un jeu de l’esprit, ardent, assez émouvant, mais sans risques ; on n’était pas forcé de se décider ; on pouvait s’accorder le luxe d’essayer en pensée l’une ou l’autre solution.

C’était un sujet de discussions rieuses avec Sylvie, un de ces problèmes du cœur, dont raffole le cœur juvénile, dans les périodes d’oisiveté ou d’attente, jusqu’au jour où la réalité décide brusquement pour vous, sans se soucier de vos élégants arrangements. — Sylvie comprenait très bien le double besoin d’Annette ; mais elle n’y voyait, pour son compte, aucune contradiction ; il n’y avait qu’à faire comme elle ; aimer, quand il vous plaît ; être libre, quand il vous plaît…

Annette secouait la tête :

— Non !