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158 L’AME ENCHANTEE:

— Non ! Non ! faisait Annette, en riant, tout à fait réveillée.

Elle mettait la main sur la bouche de sa sœur. Mais Sylvie, se dégageant et lui prenant la tête, la regardait dans les yeux :

— Tes beaux yeux de somnambule… Montre un peu ce qu’il y a dedans… Qu’est-ce que tu rêves, Annette ? Dis ! Dis ! Dis ce que tu rêves ! Raconte ! Allons, raconte !

— Qu’est-ce que tu veux que je raconte ?

— Dis à quoi tu pensais.

Annette se défendait, mais elle finissait toujours par céder. Ce leur était à toutes deux un vif plaisir de tendresse — peut-être aussi d’égoïsme — de tout se raconter. Elles ne s’en lassaient point. Annette essayait donc de démêler ses rêves, beaucoup moins pour Sylvie que pour son propre soulagement. Elle expliquait, non sans peine, mais avec un grand scrupule et un sérieux, qui faisait pouffer Sylvie, toutes ses folles pensées, — les naïves, les candides, les baroques, les hardies, et même parfois…

— Eh bien ! eh bien ! Annette !… Dis donc, quand tu t’y mets !… s’exclamait Sylvie, qui jouait la scandalisée.

Elle n’avait peut-être pas une vie intérieure moins étrange, — (ni plus ni moins que nous tous), — mais elle ne s’en doutait pas, et elle ne s’y intéressait pas, en petite personne pratique,