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Les clientes ne tardèrent pas à se montrer chez Sylvie. Annette promenait dans ses visites les plus jolies robes de la petite couturière, et chantait ses louanges. Elle réussit à lui envoyer plusieurs jeunes femmes de son monde. Sylvie, de son côté, exploitait sans scrupules les adresses des clientes de ses anciennes patronnes. Elle était cependant assez sage pour ne pas vouloir élargir trop vite le cercle de ses opérations. Peu à peu. La vie est longue. On a le temps… Elle aimait le travail, mais non jusqu’à la manie de certaines fourmis humaines — et surtout féminines — qu’elle avait vues se tuer à la tâche. Elle entendait bien réserver sa place au plaisir. Le travail en est un. Mais il n’est pas le seul. « De tout, un peu. » Sa devise de petit appétit, mais friand et curieux…

En peu de temps, sa vie fut si remplie qu’il n’en resta plus beaucoup pour Annette. Sylvie lui gardait bien, quoi qu’il advînt, sa part ; elle y tenait. Mais pour le cœur d’Annette, une part était peu. Elle ne savait pas se donner à moitié, ou au tiers, ou au quart. Il lui fallut