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ANNETTE ET SYLVIE 141

plans, certes charmants, mais pour lesquels Sylvie n’était pas consultée…

Quand elles avaient bien ruminé, chacune le bonheur de l’autre, (et, bien entendu, le sien propre, par-dessus le marché)…

— Zut ! mon aiguille est cassée… On n’y voit plus, déjà…

… on jetait son ouvrage, et on sortait ensemble, pour se dégourdir les jambes ; on allait sous la pluie, toutes deux enveloppées dans la même houppelande, jusqu’au fond du jardin, sous les arbres larmoyants qui perdaient leurs cheveux ; on croquait à la treille une grappe de raisin blond, meilleur d’être mouillé ; on causait, on causait… Et soudain, on se taisait, écoutant, aspirant le vent d’automne, l’odeur (on la mangerait) des fruits tombés, des feuilles mortes, la lumière lasse d’octobre qui s’éteint dès quatre heures, le silence des champs engourdis qui s’endorment, la terre qui boit la pluie, la nuit…

Et, la main dans la main, rêvant avec la nature frissonnante, qui couve l’espoir craintif et brûlant du printemps, — l’énigme de l’avenir…