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ANNETTE ET SYLVIE 109

était son œuvre personnelle ; et il était sensible au suffrage d’une experte Parisienne. De son œil connaisseur, qui s’égayait en secret de certaines naïvetés de goût fort éclatant, Sylvie l’admirait tout, du haut en bas. Annette en rougissait, de honte et de colère ; la ruse de la petite lui semblait si grossière qu’elle se demandait :

— Se peut-il qu’il le supporte ?

Il le supportait très bien : Tullio buvait du lait. Quand d’échelon en échelon, elle fut descendue de la cravate orange à la ceinture lilas, aux chaussettes vert et or, Sylvie fit un arrêt : elle avait son idée ! Tout en s’extasiant sur la finesse des pieds de Tullio — (il en était très fier) — elle exhiba les siens, qui étaient fort jolis. Avec une coquetterie gamine, elle les rapprocha de ceux de Tullio, elle les compara, en découvrant sa jambe du talon au genou. Puis, se tournant vers Annette, dédaigneuse, renversée dans son rocking-chair, elle dit, avec un sourire délicieux :

— Chérie ! fais voir aussi les tiens !

Et, d’un geste rapide, elle les dégagea bien, avec le fût des chevilles ensablées et les colonnes un peu lourdes des jambes. Deux secondes seulement. Annette arracha la petite griffe maligne, qui se retirait, contente. Tullio avait vu…