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108 L’AME ENCHANTEE

ne vit plus la sœur, elle ne vit que la rivale ; elle pensa :

— Tu encaisseras, à ton tour.

Et, retroussant sa lèvre sur ses canines :

— Dent pour dent, œil pour œil… Non, les deux yeux pour un…

elle se jeta dans le combat. Ah ! l’imprudente Annette ! Sylvie n’était point, comme elle, gênée par sa fierté ; toutes armes lui étaient bonnes, pourvu qu’elle réussît. Annette, bardée d’orgueil, se fût crue dégradée, si elle eût laissé voir à Tullio une ombre de ses désirs. Sylvie ne s’embarrassait pas de semblables scrupules : on allait jouer au monsieur le jeu qui le flattait le mieux…

— Qu’est-ce que tu préfères ? Aimes-tu mieux le beau dédain, ou bien que l’on t’admire ?…

Elle connaissait l’homme : animal vaniteux, Tullio adorait l’encens. Elle lui en servit bonne mesure. Avec une impudence ingénue et tranquille, la petite rouée fit le tour des perfections du jeune Gattamelata de palace-hôtel : — corps, esprit, et vêture. Vêture principalement : car, comme elle le pensait, c’était à quoi il tenait le plus. Tout hommage lui plaisait. Certes. Mais qu’il fût beau, on ne le lui apprenait pas ; et quant à son esprit, son grand nom lui en était une garantie certaine. Mais son habillement