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LA FIN DU VOYAGE

avec ironie. Mais soudain, elle s’interrompait ; elle sortait, elle se sauvait dans sa chambre ; et là, toute porte close, le rideau baissé sur la fenêtre, elle restait assise, les genoux serrés, les coudes rentrés contre son ventre, les bras en croix sur la poitrine, comprimant les battements de son cœur ; elle restait ainsi, ramassée sur elle-même, sans un mouvement, sans un souffle ; elle n’osait pas bouger, de peur qu’au moindre geste le bonheur ne s’enfuît. Elle étreignait l’amour en silence sur son corps.

Maintenant, Christophe se passionnait pour le succès d’Olivier. Il s’occupait de lui maternellement, surveillait sa toilette, prétendait lui donner des conseils sur la façon de s’habiller, lui faisait — (comment !) — ses nœuds de cravate. Olivier, patient, se laissait faire, quitte à renouer sa cravate, dans l’escalier, lorsque Christophe n’était plus là. Il souriait en lui-même, mais il était touché de cette grande affection. D’ailleurs, intimidé par son amour, il n’était pas sûr de lui, et demandait volontiers conseil à Christophe ; il lui contait ses visites. Christophe était aussi ému que lui ; et quelquefois, la nuit, il passait des heures à chercher les moyens d’aplanir le chemin à l’amour de son ami.