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LES AMIES

— Belle fatigue, de venir chez nous, deux heures par semaine ! Tu ne m’aimes pas, disait-elle. Tu n’aimes que le coin de ton feu.

Mais quand elle raconta chez elle, toute fière, son algarade, Langeais la tança vertement :

— Laisse ta tante tranquille ! Tu ne sais donc pas que la pauvre femme est très malade !

Jacqueline pâlit ; et, d’une voix tremblante, elle demanda ce qu’avait la tante. On ne voulait pas le lui dire. À la fin, elle réussit à savoir que Marthe se mourait d’un cancer à l’intestin ; il y en avait pour quelques mois.

Jacqueline eut des jours d’épouvante. Elle se rassurait un peu, quand elle voyait la tante. Marthe, par bonheur, ne souffrait pas trop. Elle gardait son sourire tranquille, qui, sur son visage diaphane, semblait le reflet d’une lampe intérieure. Jacqueline se disait :

— Non, ce n’est pas possible, ils se sont trompés, elle ne serait pas si calme…

Elle reprenait le récit de ses petites confidences, auxquelles Marthe prêtait encore plus d’intérêt qu’avant. Seulement, parfois, au milieu d’une conversation, la tante sortait de la chambre, sans que rien trahît qu’elle souffrît ;