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LA FIN DU VOYAGE

— Non ? vrai ? tu es heureuse ?

— Est-ce que tu ne le crois pas ?

— Si. Mais…

Jacqueline s’arrêtait.

— Quoi donc ?

— Moi, je voudrais être heureuse, mais pas de la même façon que toi.

— Pauvre petit ! Je l’espère aussi, dit Marthe.

— Non, continuait Jacqueline, en secouant la tête avec décision, moi, d’abord, je ne pourrais pas.

— Moi non plus, je n’aurais pas cru que je pourrais. La vie vous apprend à pouvoir bien des choses.

— Oh ! mais je ne veux pas apprendre, protestait Jacqueline, inquiète. Je veux être heureuse comme je veux, moi.

— Tu serais bien embarrassée, si on te demandait comment !

— Je sais très bien ce que je veux.

Elle voulait beaucoup de choses. Mais quand il s’agissait de les dire, elle n’en trouvait plus qu’une, qui revenait toujours, comme un refrain :

— D’abord je voudrais qu’on m’aime.

Marthe cousait, en silence. Après un moment, elle dit :