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LA FIN DU VOYAGE

Mme Langeais pensait à autre chose, et souriait par habitude, en répondant, au petit bonheur. Tout se passait très bien, avec beaucoup de politesse. Cela ne manquait même point d’effusions affectueuses, quand la tante, qui était discrète, prenait congé plus tôt qu’on ne l’eût espéré ; et le charmant sourire de Mme Langeais se faisait plus rayonnant, les jours où elle avait en tête des souvenirs particulièrement agréables. La tante Marthe sentait tout cela ; peu de choses échappaient à son regard ; et elle en voyait beaucoup, dans la maison de son frère, qui la choquaient ou l’attristaient. Mais elle n’en montrait rien : à quoi cela eût-il servi ? Elle aimait son frère, elle avait été fière de son intelligence et de ses succès, comme le reste de la famille, qui n’avait pas cru trop payer de sa gêne le triomphe du fils aîné. Elle, du moins, avait gardé son libre jugement. Aussi intelligente que lui, et mieux trempée moralement, plus virile, — (comme le sont tant de femmes de France, si supérieures aux hommes), — elle voyait clair en lui ; et quand il demandait son avis, elle le disait franchement. Mais il y avait beau temps qu’il ne le demandait plus ! Il trouvait plus prudent de ne pas savoir, ou — (car il savait tout autant qu’elle), — de fer-