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LA FIN DU VOYAGE

lui, bien entendu : car elles ne s’en souciaient guère, quand c’était par un autre. S’il faisait des éloges, on rougissait, on pâlissait, on lui décochait des œillades reconnaissantes et coquettes. Et s’il vous appelait à part, pour donner des conseils ou faire des compliments, c’était le paradis. Il n’était pas besoin d’être un aigle pour leur plaire. À la leçon de gymnastique, quand le professeur prenait Jacqueline dans ses bras pour la suspendre au trapèze, elle en avait une petite fièvre. Et quelle émulation enragée ! Quels transports secrets de jalousie ! Quels coups d’œil humbles et enjôleurs au maître, pour tâcher de le reprendre à une insolente rivale ! Au cours, lorsqu’il ouvrait la bouche pour parler, les plumes et les crayons se précipitaient pour le suivre. Elles ne cherchaient pas à comprendre, la grande affaire était de ne pas perdre une syllabe. Et tandis qu’elles écrivaient, écrivaient, sans que leur regard curieux cessât de détailler furtivement la figure et les gestes de l’idole, Jacqueline et Simone se demandaient tout bas :

— Crois-tu qu’il serait bien, avec une cravate à pois bleus ?

Puis, ce fut un idéal de chromos, de livres de vers romanesques et mondains, de gra-