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LA FIN DU VOYAGE

dans l’ombre, hors de l’atteinte du miroir ; il craignait que son trouble ne fût remarqué. Mais quand il fut plus calme, il voulut la revoir. Il avait peur qu’elle ne fût partie. Il entra dans le salon ; et, au milieu de la foule, il la retrouva aussitôt, quoiqu’elle ne fût plus de même qu’elle lui était apparue dans la glace. Maintenant, il la voyait de profil, assise dans un cercle de dames élégantes ; un coude sur le bras du fauteuil, le corps un peu penché, la tête appuyée sur sa main, elle écoutait les causeries, avec un sourire intelligent et distrait ; elle avait l’air et les traits du jeune saint Jean, écoutant et voyant, les yeux à demi fermés, souriant à sa pensée, dans la Dispute de Raphaël…

Alors, elle leva les yeux, le vit, et ne fut pas étonnée. Et il vit que son sourire était pour lui. Il la salua, ému, et il s’approcha d’elle.

— Vous ne me reconnaissez pas ? dit-elle.

À cet instant, il la reconnut :

— Grazia… dit-il[1].

Au même moment, l’ambassadrice, qui passait, se félicitait que la rencontre, depuis longtemps cherchée, se fût enfin produite ; et elle

  1. Voir Jean-Christophe à Paris. I. La Foire sur la Place.