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LA FIN DU VOYAGE

Qu’il est bon d’aimer et de croire intarissablement ! Tout ce que touche l’amour est sauvé de la mort.

— Minna, qui es avec moi, — avec moi, pas avec l’autre, — Minna, qui ne vieilliras jamais !…

La lune, voilée, sortit des nuages, et sur le dos du fleuve fit luire des écailles d’argent. Christophe eut l’impression que le fleuve ne passait pas jadis aussi près du tertre où il était assis. Il s’approcha. Oui, il y avait là naguère, au delà de ce poirier, une langue de sable, une petite pente gazonnée, où il avait joué bien des fois. Le fleuve les avait rongées ; il avançait, léchant les racines du poirier. Christophe eut un serrement de cœur. Il revint vers la gare. De ce côté, un nouveau quartier, — maisons pauvres, chantiers en construction, grandes cheminées d’usines, — commençait à s’élever. Christophe songea au bois d’acacias qu’il avait vu, dans l’après-midi, et il pensa :

— Là aussi, le fleuve ronge…

La vieille ville, endormie dans l’ombre, avec tout ce qu’elle renfermait, vivants et morts, lui fut plus chère encore : car il la sentit menacée…

Hostis habet muros…