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LA FIN DU VOYAGE

florissante, robuste, rembourrée de toutes parts, une jolie peau, un teint de rose, mais les traits élargis, le nez particulièrement solide et bien nourri. Les gestes, les manières, les gentillesses étaient restées les mêmes ; mais le volume avait changé.

Cependant, elle ne cessait de parler : elle racontait à Christophe les histoires de son passé, ses histoires intimes, la façon dont elle avait aimé son mari et dont son mari l’avait aimée. Christophe était gêné. Elle avait un optimisme sans critique, qui lui faisait trouver parfait et supérieur aux autres, — (du moins quand elle était en présence des autres), — sa ville, sa maison, sa famille, son mari, sa cuisine, ses quatre enfants, et elle-même. Elle disait de son mari, et devant lui, qu’il était « l’homme le plus grandiose qu’elle eût jamais vu », qu’il y avait en lui « une force surhumaine ». « L’homme le plus grandiose » tapotait en riant les joues de Minna, et déclarait à Christophe qu’elle « était une femme hautement éminente ». Il semblait que monsieur le Reichsgerichtsrat fût au courant de la situation de Christophe, et qu’il ne sût au juste s’il devait le traiter avec égards ou sans égards, vu sa condamnation d’une part, et, de l’autre, vu l’auguste protection qui le cou-