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LES AMIES

trée, il s’arrêta un moment. Il continuait son chemin, quand une voiture passa. Machinalement, il leva les yeux ; et ses yeux rencontrèrent ceux d’une jeune dame, fraîche, grasse, réjouie, qui l’examinait curieusement. Elle fit une exclamation de surprise. À son geste, la voiture s’arrêta. Elle dit :

— Monsieur Krafft !

Il s’arrêta.

Elle dit en riant :

— Minna…

Il courut à elle, presque aussi troublé qu’au jour de la première rencontre[1]. Elle était avec un monsieur, grand, gros, chauve, avec des moustaches relevées d’un air vainqueur, qu’elle présenta : « Herr Reichsgerichtsrat von Brombach », — son mari. Elle voulut que Christophe entrât à la maison. Il cherchait à s’excuser. Mais Minna s’exclamait :

— « Non, non, il devait venir, venir dîner. »

Elle parlait très fort et très vite, et, sans attendre les questions, racontait déjà sa vie. Christophe, abasourdi par sa volubilité et par son bruit, n’entendait qu’à moitié, et il la regardait. C’était là sa petite Minna. Elle était

  1. Voir Jean-Christophe : II. Le Matin.