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LES AMIES

hymne stupide, pour une fête-réclame organisée par le journal. Ils lui firent sentir l’inconvenance de sa conduite. Christophe les envoya promener. Il acheva de les exaspérer, par le démenti brutal qu’il infligea, peu après, à des assertions que le journal lui avait prêtées.

Alors, commença une campagne contre lui, On usa de toutes armes. On ressortit une fois de plus de l’arsenal aux chicanes la vieille machine de guerre, qui a servi tour à tour à tous les impuissants contre tous les créateurs, et qui n’a jamais tué personne, mais dont l’effet est immanquable sur les imbéciles : on l’inculpa de plagiat. On alla découper dans son œuvre et dans celle de collègues obscurs des passages artificieusement choisis et maquillés ; et l’on prouva qu’il avait volé ses inspirations à d’autres. On l’accusa d’avoir voulu étouffer de jeunes artistes. Encore s’il n’avait eu affaire qu’à ceux dont le métier est d’aboyer, à tels de ces critiques, ces nabots qui grimpent sur les épaules d’un grand homme, et qui crient :

— Je suis plus grand que toi !

Mais non, les hommes de talent s’attaquent entre eux : chacun cherche à se rendre insupportable à ses confrères ; et pourtant, comme dit l’autre, le monde est assez vaste