Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

9
LES AMIES

du despotisme allemand, un apôtre de la liberté, contraint de fuir l’Allemagne impériale et de venir se réfugier en France, asile des âmes libres, — (beau prétexte à des tirades chauvines !) — faisait un éloge écrasant de son génie, dont il ne connaissait rien, — rien que quelques plates mélodies, qui dataient des débuts de Christophe en Allemagne, et que Christophe, honteux, eût voulu anéantir. Mais si l’auteur de l’article ignorait l’œuvre de Christophe, il se rattrapait sur ses intentions, — sur celles qu’il lui prêtait. Deux ou trois mots, recueillis çà et là de la bouche de Christophe ou d’Olivier, voire même de quelque Goujart qui se disait bien informé, lui avaient suffi pour construire l’image d’un Jean-Christophe, « génie républicain, — le grand musicien de la démocratie ». Il profitait de l’occasion pour médire des musiciens français contemporains, surtout des plus originaux et des plus indépendants, qui se souciaient fort peu de la démocratie. Il n’exceptait qu’un ou deux compositeurs, dont les opinions électorales lui semblaient excellentes. Il était fâcheux que leur musique le fût beaucoup moins. Mais c’était là un détail. Au reste, leur éloge, et même celui de Christophe, avaient moins d’importance que la cri-