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LA FIN DU VOYAGE

— Bon optimiste allemand !

— Ils sont des hommes, comme moi. Pourquoi ne me comprendraient-ils pas ?… — Et quand ils ne me comprendraient pas, vais-je m’en désoler ? Parmi ces milliers de gens, il s’en trouvera toujours un ou deux, qui seront avec moi : cela me suffit, il suffit d’une lucarne pour respirer l’air du dehors… Pense à ces naïfs spectateurs, à ces adolescents, à ces vieilles âmes candides, que ton apparition, ta voix, la révélation par toi de la beauté tragique emportent au-dessus de leurs jours médiocres. Souviens-toi de toi-même, quand tu étais enfant ! N’est-il pas bon de faire aux autres, — quand ce ne serait qu’à un seul, — le bonheur et le bien qu’un autre vous fit jadis ?

— Tu crois qu’il y en a vraiment un ? J’ai fini par en douter… Et puis, comment les meilleurs de ceux qui nous aiment nous aiment-ils ? Comment nous voient-ils ? Ils voient si mal ! Ils vous admirent, en vous humiliant ; ils ont autant de plaisir à voir jouer n’importe quelle cabotine ; ils vous mettent au rang de sots que l’on méprise. Tous ceux qui ont le succès sont égaux, à leurs yeux.

— Et pourtant, ce sont les plus grands