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LES AMIES

de sacrifice ! Je ne sais quels clergymen, avec leur pauvreté de cœur, y ont mêlé une idée de tristesse protestante, morose et engoncée. Il semble que pour qu’un sacrifice soit bon, il faut qu’il soit embêtant… Au diable ! Si un sacrifice est une tristesse pour vous, non une joie, ne le faites pas, vous n’en êtes pas digne. Ce n’est pas pour le roi de Prusse qu’on se sacrifie, c’est pour soi. Si vous ne sentez pas le bonheur qu’il y a à vous donner, allez vous promener ! Vous ne méritez pas de vivre.

Mme  Arnaud écoutait Christophe, sans oser le regarder. Brusquement, elle se leva, et dit :

— Adieu.

Alors, il pensa qu’elle était venue pour lui confier quelque chose ; et il dit :

— Oh ! pardon, je suis un égoïste, je ne parle que de moi. Restez encore, voulez-vous ?

Elle dit :

— Non, je ne peux pas… Merci…

Elle partit.

Ils restèrent quelque temps, sans se voir. Elle ne lui donnait plus signe de vie ; et lui, n’allait pas chez elle, non plus que chez Philomèle. Il les aimait bien ; mais il craignait de s’entretenir avec elles de ces choses qui