Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

131
LES AMIES

Celles de Mme Arnaud et de Philomèle ne lui manquaient point. Mais, en ce moment, ces tranquilles amies ne pouvaient lui suffire.

Cependant, les deux femmes semblaient deviner le chagrin de Christophe, et elles sympathisaient en secret avec lui. Christophe fut bien surpris, un soir, de voir entrer chez lui Mme Arnaud. Jusqu’alors, elle ne s’était jamais hasardée à lui faire visite. Elle paraissait agitée. Christophe n’y prit pas garde ; il attribua ce trouble à sa timidité. Elle s’assit, et elle ne disait rien. Christophe, pour la mettre à l’aise, fit les honneurs de son appartement ; on causa d’Olivier, dont les souvenirs remplissaient la chambre. Christophe en parlait gaiement, naturellement, sans rien qui décelât ce qui s’était passé. Mais Mme Arnaud, qui le savait, ne put s’empêcher de le regarder avec un peu de pitié et de lui dire :

— Vous ne vous voyez presque plus ?

Il pensa qu’elle était venue pour le consoler ; et il en eut de l’impatience : car il n’aimait point qu’on se mêlât de ses affaires. Il répondit :

— Quand il nous plaît.

Elle rougit, et dit :

— Oh ! ce n’était pas une question indiscrète !