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LES AMIES

que la mer. Le moindre d’entre nous porte en lui l’infini. L’infini est dans tout homme qui a la simplicité d’être un homme, dans l’amant, dans l’ami, dans la femme qui paie de ses douleurs la radieuse gloire du jour de l’enfantement, dans celle où dans celui qui se sacrifie obscurément et dont nul ne saura jamais rien ; il est le flot de vie, qui coule de l’un à l’autre, de l’un à l’autre, de l’autre à l’un… Écris la simple vie d’un de ces hommes simples, écris la tranquille épopée des jours et des nuits qui se succèdent, tous semblables et divers, tous fils d’une même mère, depuis le premier jour du monde. Écris-la simplement, ainsi qu’elle se déroule. Ne t’inquiète point du verbe, des recherches subtiles où s’énerve la force des artistes d’aujourd’hui. Tu parles à tous : use du langage de tous. Il n’est de mots ni nobles, ni vulgaires ; il n’est de style ni châtié, ni impur ; il n’est que ceux qui disent ou ne disent pas exactement ce qu’ils ont à dire. Sois tout entier dans tout ce que tu fais : pense ce que tu penses, et sens ce que tu sens. Que le rythme de ton cœur emporte tes écrits ! Le style, c’est l’âme.

Olivier approuvait Christophe ; mais il répondait, avec quelque ironie :

— Une telle œuvre pourrait être belle ;