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LA FIN DU VOYAGE

famille et du sol. Aux siècles les plus libres, dans le peuple qui avait le culte le plus ardent de la beauté, le jeune prince de la Renaissance italienne, Raphaël, glorifiait la maternité dans ses Madones transtévérines. Qui nous fera aujourd’hui, en musique, une Madone à la Chaise ? Qui nous fera une musique pour toutes les heures de la vie ? Vous n’avez rien, vous n’avez rien en France. Quand vous voulez donner des chants à votre peuple, vous en êtes réduits à démarquer la musique des maîtres allemands du passé. Tout est à faire, ou à refaire, dans votre art, de la base à la cime…

Christophe correspondait avec Olivier, à présent installé dans une ville de province. Il tâchait de maintenir entre eux, par lettres, cette collaboration qui avait été féconde pendant leurs mois de vie commune. Il eût voulu de lui de beaux textes poétiques, associés aux pensées et aux actes de tous les jours, comme ceux qui font la substance des vieux lieder allemands du temps jadis. De courts fragments des Livres saints, des poèmes hindous, des vieux philosophes grecs, des odelettes religieuses ou morales, de petits tableaux de la nature, des émotions amoureuses ou familiales, la poésie des matins et